
3 poems de
1
L’homme qui par un après-midi silencieux
Arrosait son jardin
S’est souvenu, soudain, qu’il était mort
Un instant plus tard
Les ombres et les bruits de l’après-midi se confondirent
Et la continuité de l’oublie
Avala tout.
Tu restes et tu regardes précisément :
Il ne reste point de trace de lui.
Et pendant quelques jours il occupe ma pensée
la pensée de ceux qui n’ont
jamais existés
Un instant j’ai eu envie d’être l’ancienne épouse de cet homme
De le frôler
Et que l’homme stupéfait, lâche le tuyau d’arrosage
Coure
Que la femme s’arrête, dise
Vingt ans…
Vingt ans….
Vingt ans…
Vingt ans….
…
Là la femme s’arrête
Ne dit rien
L’homme hanté se touche, touche
ses habits
et tâche de croire.
Comme deux brumes
Ils se noient l’un dans l’autre.
Et je reste
Une feuille de papier en main
Sur laquelle
Jamais
Rien ne se passe. □
( Rire dans la maison qui brûlait, p.19)
2
Ils viennent tous pour prendre notre parole
Nous sommes absents
Ils sont absents
Et la parole ne commence pas.
Ils viennent tous pour croire encore une fois aux vivants
Nous sommes partis
Le sens de la vie
Reste suspendu.
Secouer une chose
Insister pour reprendre
Nous nous sommes rencontrés dans la brièveté d’un conte
Nous ne nous sommes pas reconnus
Nous avions la même adresse dans la main
Tous les deux frappés de stupeur
Quelqu’un nous croise
Nous jette un coup d’œil, hoche la tête, dit :
« on ne sait pas quel malheur nous frappe »
Il se retourne, nous nous serrons la main tous les trois
Nous ne nous sommes pas reconnus
Nous jetons un coup d’œil sur nos montres
Nous avions trois heures différentes
Avec une même adresse.
Comme si on nous avait expulsés tous les trois
de trois contes différents
aucun de nous, ne connaissait celui qui parlait de nous
petit à petit nous nous sommes multipliés, les temps se sont multipliés
et ceux qui nous ressemblaient parfaitement nous serrent la main et ne nous reconnaissent pas
et la rue se remplit l’avenue se remplit, la ville se remplit
et celui qui parlait de nous le coupa. □
( Rire dans la maison qui brûlait, p.22)
3
Le temps de trahison était venu
Et du silence partagé parmi les hommes
On voulait des aveux, et on y arrivait à les soutirer de quelques uns
Le temps de trahison était venu
Je t’ai caché dans mes yeux
Et depuis je n’ai jamais pu te regarder
Maintenant que tu es mort
Je te sors de mes yeux
Et je te libère
Et tel un poisson, tu retournes dans l’eau
Au moins, en moi, tu es resté intact
Au moins en moi
Personne n’a eu le droit de t’appeler « traître » □