drawing by Shahram Sheydayi

3 poems de

Shahram Sheydayi

Traduction: Maryam Mousavi

1

L’homme qui par un après-midi silencieux
                Arrosait son jardin
    S’est souvenu, soudain, qu’il était mort

Un instant plus tard
    Les ombres et les bruits de l’après-midi se confondirent
Et la continuité de l’oublie
                Avala tout.

Tu restes et tu regardes précisément :
                Il ne reste point de trace de lui.

Et pendant quelques jours il occupe ma pensée
        la pensée de ceux qui n’ont
                jamais existés

Un instant j’ai eu envie d’être l’ancienne épouse de cet homme
        De le frôler
                Et que l’homme stupéfait, lâche le tuyau d’arrosage
Coure
Que la femme s’arrête, dise
            Vingt ans…
                Vingt ans….
                    Vingt ans…
Vingt ans….
                …
Là la femme s’arrête
            Ne dit rien
L’homme hanté se touche, touche
            ses habits
       et tâche de croire.

Comme deux brumes
                        Ils se noient l’un dans l’autre.

Et je reste
Une feuille de papier en main
            Sur laquelle
                           Jamais
                                   Rien ne se passe. □

( Rire dans la maison qui brûlait, p.19)

2

Ils viennent tous pour prendre notre parole
            Nous sommes absents
                    Ils sont absents
Et la parole ne commence pas.

Ils viennent tous pour croire encore une fois aux vivants
            Nous sommes partis
            Le sens de la vie
                    Reste suspendu.

Secouer une chose
            Insister pour reprendre
Nous nous sommes rencontrés dans la brièveté d’un conte
Nous ne nous sommes pas reconnus
Nous avions la même adresse dans la main
Tous les deux frappés de stupeur
Quelqu’un nous croise
Nous jette un coup d’œil, hoche la tête, dit :
« on ne sait pas quel malheur nous frappe »
Il se retourne, nous nous serrons la main tous les trois
Nous ne nous sommes pas reconnus
Nous jetons un coup d’œil sur nos montres
Nous avions trois heures différentes
Avec une même adresse.
Comme si on nous avait expulsés tous les trois
                    de trois contes différents
aucun de nous, ne connaissait celui qui parlait de nous
petit à petit nous nous sommes multipliés, les temps se sont multipliés
et ceux qui nous ressemblaient parfaitement nous serrent la main et ne nous reconnaissent pas
et la rue se remplit l’avenue se remplit, la ville se remplit
et celui qui parlait de nous le coupa. □

( Rire dans la maison qui brûlait, p.22)

3

Le temps de trahison était venu
Et du silence partagé parmi les hommes
On voulait des aveux, et on y arrivait à les soutirer de quelques uns
Le temps de trahison était venu
Je t’ai caché dans mes yeux
Et depuis je n’ai jamais pu te regarder

Maintenant que tu es mort
Je te sors de mes yeux
Et je te libère
Et tel un poisson, tu retournes dans l’eau
Au moins, en moi, tu es resté intact
Au moins en moi
Personne n’a eu le droit de t’appeler « traître » □

( Rire dans la maison qui brûlait, p.91)